La DÉMOCRATIE comme EXPÉRIENCE politique de l'IMPOSSIBLE


Bien que la démocratie (demos : peuple et kratos : pouvoir), comme système politique de gouvernement, ait, depuis l’invention d’Athènes, toujours suscité bon nombre de critiques que l’on trouve aussi bien chez Platon, chez Tocqueville plus tard ou chez Marx ensuite, il semble néanmoins que le « paradigme logico-politique du gouvernement démocratique » se soit effondré après ou dès le début de la Première Guerre mondiale.

Comme le commente Jean-Claude Milner, les démocraties occidentales n’auraient gagné la guerre qu’en reniant les principes philosophiques, politiques et juridiques de leur fonctionnement. Hannah Arendt dira alors que si les individus, à l’instar des institutions, ont ainsi renoncé à ce qu’il y a d’humain et de libre en eux, c’est certes parce qu’ils ont disparu derrière la progression de la société de masse, mais c’est aussi parce qu’ils vivent le sentiment d’une perte du monde commun et de l’espace public à partir duquel les hommes peuvent vivre ensemble (désolation) .

Même si les mots restent ou si le vieux nom de démocratie est maintenu, on peut se demander s’ils recouvrent encore aujourd’hui la même signification.

Loin d’être étrangère à ces préoccupations, la psychanalyse, sous la plume de Freud, tente d’élaborer un pont entre psychisme individuel et les « grands individus-peuples ». Déjà dès 1927, Freud soulève la question de savoir si les principes régissant « ces dispositifs étatiques, censés aménager les relations entre les hommes ne devraient pas, tout simplement, être qualifiés d’illusion » . Impossible pour Freud, dans un premier temps, de soigner, d’éduquer et de gouverner. Mais si l’on va plus loin, nous savons qu’il aura traité « d’une part de l’inégalité des hommes, innée et impossible à éliminer, qui consiste en ce qu’ils se divisent en meneurs et en sujets dépendants » , Freud se montrant par là fidèle à une certaine « aristodémocratie » en dessinant ainsi, dans sa correspondance avec Einstein, « un état idéal fait d’une communauté d’hommes ayant soumis leur vie pulsionnelle à la dictature de la raison ». Le risque alors d’une telle impossible dictature, et comme le souligne René Major, ne serait-il pas qu’il n’y ait plus ni amis ni ennemis – donc plus de politique – et que les composantes sexuelles et agressives de la vie pulsionnelle soient reléguées au lien le plus asocial qu’est le lien amoureux ?

Comment donc penser une démocratie, soit une égalité, qui ne soit pas synonyme d’homogénéité, qui tienne compte d’une singularité infinie comme peut l’être la vie, l’incalculable du vivant ? Comment penser ce que Derrida désigne alors sous le nom de « démocratie à venir » qui, précise-t-il, n’est pas l’avenir de la démocratie, mais ce qui reste inaccessible dans la structure de la promesse du rapport à l’autre ? Il y a, pense-t-il, et malgré l’histoire de l’Occident, sa fin comme l’aurait dit Lacoue-Labarthe , il y a un renouvellement constant et concret de la promesse démocratique, comme du rapport à l’autre en tant que tel, hétérogénéité incalculable. Ce qui est important dans la « démocratie à venir », ce n’est pas la démocratie, c’est l’à-venir, cette pensée de l’événement, de ce qui vient, pour que la venue soit venue de l’autre. Sortir de la présentation du présentable, de ce qu’on peut faire, car c’est à partir de ce qu’on ne peut pas faire qu’on pense.

Dans un entretien avec Michael Sprinker , Derrida se risquera alors à l’aphorisme qui fait le thème de nos journées : « la démocratie pour moi, si je peux risquer un aphorisme, c’est l’expérience politique de l’impossible, l’expérience politique de l’ouverture à l’autre comme possibilité de l’impossible. »

Francis Capron


Liste des intervenants :


  • Cyrille DELORO : « Les enfants du Pire »
  • Christophe SCUDÉRI : « L'à-venir de la psychanalyse : une psychanalyse réinventée ? »
  • Jean-Claude MILNER : « La démocratie, Empire ou contre-Empire ? »
  • Marc GOLDSCHMIT : « L'hypothèse du Marrane. La démocratie à venir au-delà du théologico-politique »
  • Sophie GOSSELIN : « Une politique du différend »
  • Jean COOREN : « Il aura fallu que ça se répète : ainsi s'archivent les post-scriptums »



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