Politique de la psychanalyse : une psychanalyse sans alibi


La psychanalyse, bien qu’historiquement liée à la médecine, s’est très tôt démarquée du médical en refusant l’objectivation des symptômes et en ne cherchant pas un retour à la condition antérieure d’avant la maladie. La psychanalyse ne peut donc avoir de visée thérapeutique au sens classique du terme car pour elle, ce sont les modifications intervenant sur le passé qui changent le présent, la remémoration par la libre association venant à la place d’une répétition qui s’ignore comme telle.

Si la pensée philosophique traverse de part en part son élaboration théorique, la psychanalyse ne peut pour autant s’identifier à elle, mais ne peut pour autant dénier son influence et la pertinence de ses concepts à qui elle doit tant. Nul ne pourra contester ce que la psychanalyse doit à Nietzsche (théorie des pulsions) et à Hegel (la figure du grand Autre). Toute l’œuvre de Freud puis celle de Lacan en témoignent.

En identifiant le sujet de l’inconscient, la théorie comme la pratique de la psychanalyse affirment que celui-ci ne pourrait se prétendre ni autonome, ni libre et maître en sa demeure, ni encore moins céder aux vieux axiomes d’un sujet souverain ayant une responsabilité autonome. Penser une psychanalyse sans alibi serait cette exigence de considérer l’inconscient comme source de toutes les responsabilités, hors souveraineté.

Elle met donc en relief un autre concept du politique et de la vérité.

C’est cette autre manière d’envisager politique et vérité qui permet de répondre simplement, sans déni et sans scientisme, aux attaques répétées qui œuvrent au discrédit de la psychanalyse, en réclament même la mise à mort. Que ce mouvement s’acharnant et se répétant contre la psychanalyse vienne aujourd’hui d’un philosophe qui prétend s’en prendre aux normes n’est pas un hasard. Il est un signe des temps. Du temps contemporain où la position subjective ne cesse d’être quotidiennement niée et méprisée au profit d’une objectivation des comportements rendant sans cesse la norme plus écrasante et plus médiatisée. Il vaut mieux dès lors vendre son livre que de l’écrire vraiment, vendre son livre plutôt que de le jeter après sa lecture comme le disait Nietzsche.

C’est la raison pour laquelle la Société Psychanalytique de Tours, dix ans après les États Généraux de la Psychanalyse, inaugure cette année un premier salon du livre de la psychanalyse et de la philosophie conjointement à la tenue de son colloque annuel afin que puisse circuler librement, ou aussi librement que possible, la pensée d’une psychanalyse sans alibi. De ce fait, ces Journées de Tours (12, 13 et 14 novembre 2010) sont un acte politique, d’une politique qui tiendrait compte de l’inconscient comme Sujet de la psychanalyse.

C’est la seule réponse possible aujourd’hui à cette polémique autour de la psychanalyse qui gonfle comme une baudruche, seule réponse vivante, démontrant que la psychanalyse est bien vivante en lien qu’elle pourrait être avec, non pas la philosophie, mais une certaine philosophie. Ressaisir ainsi la spécificité première de la psychanalyse qui est cette volonté de tenir compte du savoir inconscient, d’un savoir insu, en dehors ou à l’écart de toute parole d’expert ou de spécialiste.

Chacun des intervenants comme chacun des acteurs de ces journées sont donc implicitement concernés par la question soulevée et participent activement à la concrétisation de cet événement politique, d’une politique de la psychanalyse et de son avenir, sans alibi

Francis Capron



COLLOQUE

La Psychanalyse sans alibi

Au Sujet de la Psychanalyse


Psychanalyse : on aura tôt fait d’associer à ce nom, à cette pratique d’autres noms et d’autres disciplines qui, sans vraiment la spécifier, tenteraient de mieux la définir ou éclaircir ce qu’il en serait de son objet, ratant alors systématiquement son Sujet en ne lui donnant, peut-être, que des alibis.

C’est du moins à cette pensée discursive que nous invite Jacques Derrida lors de sa conférence devant les États Généraux de la psychanalyse en juillet 2000 à la Sorbonne, lorsqu’il aura employé avec insistance, et en plus d’un lieu de celle-ci, l’étrange expression « sans alibi » voulant ainsi qualifier, spécifier le Sujet de la psychanalyse, cette dernière ne pouvant se soustraire ou alléguer quelque alibi devant ce qu’elle ne peut que considérer comme étant son objet propre, à savoir la cruauté psychique.

« Mais « psychanalyse » serait le nom de ce qui, sans alibi théologique ou autre, se tournerait vers ce que la cruauté psychique aurait de plus propre. La psychanalyse, pour moi, si vous me permettez cette autre confidence, ce serait l’autre nom du « sans alibi ». L’aveu d’un « sans alibi ». Si c’était possible ».

Cet « aveu » se fait sur fond de crise, crise de la psychanalyse mondiale ou plutôt crise de la mondialisation pour la psychanalyse. Comment la psychanalyse, sa théorie comme sa pratique, pourrait-elle se penser dans cette économie mondialiste qui la mettrait en crise, si elle ne sait pas, rapidement, en penser les enjeux, pour elle, pour le monde, pour la vie ? Et que veut dire, « si c’est possible » ? sinon, comme il le dit plus loin dans le texte, « penser ce qu’il reste à penser, à faire, à vivre, à souffrir, avec ou sans jouissance, mais sans alibi, au-delà même de ce qu’on peut appeler un horizon et une tâche, donc au-delà de ce qui reste non seulement nécessaire mais possible…. Au delà de l’économie, donc de l’appropriable et du possible…. ».

L’idée de « crime » vient donc hanter de manière spectrale le propos de Derrida. Il le confesse, il l’avoue presque à la toute fin de son intervention : « On parle rarement d’alibi, d’ailleurs, sans quelque présomption de crime. Ni de crime sans un soupçon de cruauté ». Ce pourrait donc être un crime de ne pas penser ou de ne pas poursuivre à penser les conditions du « sans alibi » telles que la psychanalyse l’aurait compris depuis son existence sans céder aux vieux axiomes d’un sujet souverain et d’une responsabilité autonome. Le Sujet de la psychanalyse ne pourrait se prétendre ni autonome, ni libre et maître en sa demeure, ni celui qui s’incarnerait de la pure présence à soi de la représentation éprouvée ou de la trace mais bien celui d’une représentation ou d’une trace renvoyant à une autre ou ailleurs… (l’usage ordinaire du terme alibi, son usage juridique, permet de justifier que quelqu’un n’était pas là où l’on croyait qu’il était, qu’il était ailleurs, en un autre lieu). Ce « sans alibi » tiendrait compte de l’inconscient.

Est-ce à dire que ce « sans alibi » serait une tâche à accomplir ? un devoir à remplir ? une dette dont il faudrait s’acquitter ? Qui pourrait prétendre être, agir, penser « sans alibi » sans s’y confronter ou sans y être confronté cruellement à son insu ? L’alibi est-il évitable ?



Déroulement du colloque :

Samedi 13 Novembre

9h00 - Accueil des participants
9h45 - Ouverture des Journées

10h00 à 12h00 - Jérôme LÈBRE, Docteur en philosophie, chercheur à l’Institut des Hautes Études en Psychanalyse. Ni un non lieu, ni un alibi. Le jugement de la psychanalyse selon Derrida
Discutant : Marc GOLDSCHMIT, Docteur en philosophie, chercheur à l’Institut des Hautes Études

14h00 à 16h00 - Fabienne LELEUX, Docteur en sémiologie, exerçant la psychanalyse, membre de la Société Psychanalytique de Tours. La lisibilité de la lettre sous l’alibi de la censure
Discutante : Anne DUFOURMANTELLE, Docteur en philosophie, exerçant la psychanalyse, dirige la collection « L’autre pensée » chez Stock.

16h15 à 18h00 - Guy Felix DUPORTAIL, Philosophe, enseignant la philosophie à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne Comment remplir l'intention de Freud avec les intuitions de Merleau-Ponty ? (phénoménologie et psychanalyse)
Discutant : Francis CAPRON, exerçant la psychanalyse, Président de la Société Psychanalytique de Tours, chercheur à l’Institut des Hautes Etudes en Psychanalyse.

Dimanche 14 Novembre

10h00 à 12h00 - Sophie WAHNICH, historienne, spécialiste de la Révolution française, Directrice de recherche au CNRS, Laios, Paris. Punir le crime de lèse humanité, sans alibi.
Discutant : Patrick CECCON, médecin psychiatre, exerçant la psychanalyse, membre de la Société Psychanalytique de Tours.

14h00 à 16h00 - Isi BELLER, Médecin Psychiatre, exerçant la psychanalyse, membre de la Société de Psychanalyse freudienne. Le silence du psychanalyste
Discutante : Danièle LEVY, agrégée de philosophie, exerçant la psychanalyse, membre du Cercle freudien.


Vous pouvez télécharger ci-dessous le programme détaillé du colloque ainsi que le coupon d'inscription.

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Responsable du colloque : Francis Capron assisté du conseil d’administration.

Pour tout renseignement : colloque.jdt@lasocietepsychanalytiquedetours.net

ou Tel : 02 47 66 90 73 ou 06 32 96 47 66



SALON DU LIVRE DE LA PSYCHANALYSE ET DE LA PHILOSOPHIE

En hommage à notre ami Michael TURNHEIM


Vendredi 12 novembre

16h00 - Ouverture du salon du livre


Samedi 13 novembre

Cafés littéraires autour des auteurs et ouvrages suivants :

11h00 - Stéphane Lelong, L'inceste en question, Secret et Signalement, L'Harmattan, 2009.
15h30 - Anne-Marie Picard, Lire/Délire, Psychanalyse de la lecture, Érès, 2010.
18h30 - Marc Goldschmit, L'écriture du messianique, Hermann, 2010


Dimanche 14 novembre

Cafés littéraires autour des auteurs et ouvrages suivants :

10h30 - Jean Cooren, L'ordinaire de la cruauté, Hermann, 2009.
12h30 - Collectif, Manifeste pour la psychanalyse, La Fabrique, 2010, animé par Francis Capron.

Signatures et dédicaces tout au long du salon. Les cafés littéraires dureront environ une heure.


Responsable du salon : Franck Guttières assisté d’Élodie Oksman et de Nicolas Wittenberg.

Contact secrétariat : secretariat.spt@lasocietepsychanalytiquedetours.net


Pour tout autre renseignement : salondulivre.jdt@lasocietepsychanalytiquedetours.net



Écouter l'entretien radiophonique de Francis Capron :


L’ensemble de l’événement (salon et colloque) se déroulera à l’Hôtel de ville de Tours et sera coordonné par Patrick Ceccon.