Maryse LE BLEIZ et Graciele CRESPIN étaient nos invitées autour des questions soulevées par la clinique de la psychose chez l’enfant.

Argument : Soins aux enfants psychotiques et autistes

Nous avons tenté tout au long de cette journée de réfléchir ensemble à ce que nous mettons en œuvre dans nos pratiques de soins quand nous nous adressons à des enfants psychotiques ou autistes, « structures » que nous pouvons distinguer dans la clinique et dans le champ de la psychanalyse. Nous prendrons la notion de soin au sens large, qu’il s’agisse de la position du soignant en institution ou de l’analyste dans sa position d’analyste, et nous nous référerons à la psychanalyse. Chacun de sa place pourra témoigner de sa pratique, livrer son expérience, de là où il se sent être destinataire d’une adresse restée en mal de symbolisation en regard de sa pensée sur l’enfant.

Graciela Cullere‑Crespin, psychanalyste à Paris, nous fera l’honneur de nous aider dans nos élaborations. Elle fait partie, avec Marie‑Christine Laznik, du groupe de recherche et de prévention de l’autisme. (P.R.E.A.U.T.). Les résultats de cette recherche ont considérablement contribué à éclaircir la clinique psychanalytique en ce qui concerne la connaissance des processus autistiques. Leurs fondements théoriques s’appuient sur le fait qu’il y aurait un ratage du troisième temps pulsionnel oral chez le bébé atteint de troubles autistiques (hypothèse avancée par M‑C Laznik).

Freud[1] décrit ce troisième temps du déroulement pulsionnel comme celui où le bébé se fait l’objet de satisfaction de l’Autre. Alors que dans le premier temps le bébé s’élance vers l’objet de satisfaction et que dans le second, auto‑érotique, il y a un retour sur le corps propre quand le bébé prend une partie de son corps comme objet de satisfaction. De ce troisième temps, Lacan[2] dit que c’est le temps de « se faire ». Il s’agit d’une apparente passivité dans laquelle quelqu’un se laisse regarder, se laisse manger… dans le jeu du faire semblant. C’est en venant crocheter la jouissance de l’Autre que l’opération d’aliénation se fonde et l’entrée dans le champ de l’Autre. Nous ne pouvons guère parler d’appétence symbolique chez le jeune autiste qui ne réinitialise pas l’échange. C’est donc à cet endroit‑ci des opérations d’aliénation à l’Autre primordial et de séparation, que nous nous attarderons, à partir de la mise en place de la dynamique pulsionnelle, tant pour les enfants autistes que d’une façon différente pour les enfants psychotiques.

Maryse LE BLEIZ


Référence bibliographique pour cette journée :

Dans son livre : L’épopée symbolique du nouveau‑né, de la rencontre primordiale aux signes de souffrance précoce[3] paru en décembre 2007, Graciela Cullere‑Crespin retrace vingt années d’expérience partagées entre sa place d’analyste et son travail de prévention dans des équipes pédiatriques.

Cet ouvrage est un outil de travail clinique et conceptuel qui s’adresse à tous les professionnels s’occupant d’enfants mais aussi d’adultes :

Mon intérêt pour les troubles graves du développement tient à ce qu’ils mettent à nu, qu’ils rendent visibles, comme un film qui se déroulerait au ralenti, les processus sous‑jacents à l’émergence subjective. Ces enfants mettent des années à regarder, à parler, ce que les enfants se développant normalement font en l’espace de quelques semaines à quelques mois. Un autre enseignement que je retiens de ce parcours, c’est que le savoir spécifique du thérapeute est extrapolable dans des situations hors cadre de la cure classique, et qu’il peut être mis à disposition des personnels médicaux et éducatifs qui entourent les enfants dans de nombreuses institutions

Notes

[1] Freud, Pulsions et destins de pulsions, O.C. Vol XIII, PUF, 1988.

[2] Lacan, Les quatre concept fondamentaux, Paris, Seuil, 1973.

[3] G. Cullere‑Crespin, L’épopée symbolique du nouveau‑né, Paris, Érès, 2007.