LE TRAVAIL DE MÉLANCOLIE - Troisième année.


Au cours de notre travail des deux années passées, nous n'avons cessé d'interroger les fondements des théories du deuil et de la mélancolie chez Freud, principalement au travers du texte Deuil et mélancolie.

Cette lecture fut enrichie par le questionnement de Jacques Derrida qui, au travers de plusieurs textes, ne cesse d'interroger voire de contester la soi-disant normalité du deuil inscrite dans la théorie freudienne. Selon Derrida, si le deuil consiste à porter l'autre en soi pour lui être fidèle, une certaine mélancolie doit protester encore contre le deuil normal pour ne jamais se résigner à l'introjection idéalisante. Garder l'autre en soi, au-dedans de soi, comme soi, c'est déjà l'oublier, affirme-t-il. Il faudrait donc la mélancolie.

Cette nécessité spectrale d'une mélancolie esthétise ici ce qui par ailleurs est décrit comme un processus pathologique. Nous avons vu qu'elle nous renvoie inévitablement aux questions concernant l'objet.

Pour pouvoir penser le deuil, encore faut-il savoir comment se constitue l'objet. Nous avons étudié l'évolution de cette conception de l'objet dans la théorie analytique au travers des textes freudiens puis ceux de Lacan et principalement celui du séminaire Le désir et son interprétation. L'objet ne pouvant d'abord se constituer en dehors de la constellation oedipienne, sera peu à peu pensé au travers de l'hallucination chez Freud et du fantasme chez Lacan. L'objet serait donc spectral et il nous faudrait apprendre à vivre sans et avec, sans sa certitude et avec son absence, avec sa présence qui ne se concrétise au fond que de son absence. L'absence de l'objet serait une des conditions de sa constitution et notre question serait alors de savoir comment une absence peut-elle témoigner dans le même temps d'une si forte présence ? Question spectrale qui concerne l'objet, l'objet manquant, l'objet perdu, question qui convoque tout autrement les questions se rassemblant autour du deuil et de la mélancolie.

Lacan, dans sa lecture d'Hamlet, aura tenté de donner une nouvelle conception du deuil - celle d'une fonction - en y introduisant cette dimension spectrale de l'objet. L'objet de désir, dans le personnage d'Hamlet, ne viendrait pas souligner une empreinte qui en justifierait la présence, mais délimiter une absence qui, en ayant perdu sa valeur figurative, sa représentation, témoignerait de son écriture. Ainsi l'objet s'imposerait-t-il comme nécessairement spectral venant ainsi éclairer différemment les assertions freudiennes quant à « l'objet perdu ».

Ainsi pourrions-nous tenter de comprendre la nécessité presque structurale d'une certaine « spectralité » chez Derrida qui semble guider son écriture surtout lorsqu'il nous parle de la mélancolie.

Francis CAPRON

Le séminaire aura lieu de Janvier à Juin à raison d'une fois par mois. Les 30 janvier, 27 février, 27 mars, 24 avril, 29 mai et 26 juin 2010 de 15 h 30 à 17 h 30 à Tours.

L’inscription au séminaire se fait au secrétariat de la Société
Responsable : Maryse LE BLEIZ
Accès libre pour les adhérents après inscription, 65€ pour les personnes extérieures à la société psychanalytique de Tours.