Atelier accessible aux adhérents de la Société Psychanalytique de Tours.

  • 8 à 10 participants
  • Lieu : Paris.
  • Rythme : une fois par mois.

1ère réunion le 27 avril 2009, à 21h15, au :

1er étage du café
"L'escalier",
105 rue du Faubourg Saint-Denis
75010 Paris

Métro : Gare de l'Est ou Château d'eau

Pour toute information, appelez le 06 30 77 13 19. En cas d'absence, laissez un message avec vos coordonnées. Groupe limité à 10 inscrits.



On ne compte plus les multiples colloques et écrits traitant de la transmission : transmission de la psychanalyse, transmission théorique, clinique. Pour autant, aucun ne semble s’interroger sur les présupposés de la transmission. Les questions portent majoritairement sur ses modalités : cartel, séminaire, colloque, passe, etc.

Le titre de l’atelier, La transmission de la lettre, fait référence au conte d’Edgar Allan Poe intitulé La lettre volée, plus exactement « La lettre détournée », si l’on suit l’intitulé anglais : The purloined letter.

Dans son séminaire sur La lettre volée, Lacan part du principe que, quel que soit le détournement de la pensée freudienne, de la lettre freudienne après Freud - par exemple par Marie Bonaparte détentrice un temps de cette lettre en France ou par Anna Freud ayant programmé la distillation au compte-gouttes des Archives Sigmund Freud créées à son initiative - cette lettre arriverait néanmoins à destination. D’où le célèbre « retour à Freud », soulevant, en outre, la question du legs freudien et de ses légataires.

Ce postulat, Derrida le mettra en cause dans son texte intitulé Le facteur de la vérité, texte faisant pendant à son Spéculer sur Freud.

Il y montrera notamment que le texte de Lacan (auquel il convient de joindre la lecture de La direction de la cure) présuppose, au prix du texte de Poe, que, quelles que soient les vicissitudes de la lettre, de la Lettre, c’est-à-dire du signifiant, quel que soit son égarement, son détournement, lorsque la lettre entre en dérive, sa place originaire, même inoccupée, ne fait pas défaut, ne se dérobe pas, l’attend. Pour le dire autrement, le signifiant aurait un lieu propre, lieu de vérité, auquel il devrait inexorablement, circulairement, revenir via l’analyste, supposé hors-jeu. Une lettre en souffrance ne saurait donc être perdue : elle aurait vocation absolue à retrouver sa place quels qu’en soient les émissaires, il lui serait impossible d’échapper à ce principe de destination. Elle serait en attente de dévoilement.

Ce à quoi Derrida répond : non pas qu’une lettre n’arrive pas à destination, mais qu’elle peut ne pas toujours arriver à destination, ce qui met en cause l’idée d’un retour circulaire et prédestiné de la lettre à sa place et d’un lieu inexorable, inamovible, immuable de la vérité Une, ainsi que le principe d’indestructibilité, d’indivisibilité de la lettre défendu par Lacan dans son célèbre « Mettez une lettre en petits morceaux, elle reste ce qu’elle est. ».

La lettre psychanalytique serait-elle aujourd’hui en attente d’exégèse récitative comme certains le prétendent, croyant posséder le vrai morceau du vrai Saint Suaire, ouvrant ainsi la porte aux détracteurs de la psychanalyse ? D’une religion du sens figé oblitérant la pensée et/ou excommuniant ceux qui s’y frottent au motif de dissidence ? La question est–elle celle de la lettre du père mort à vénérer (ou à tuer) ou de la lettre vive à transmettre, à questionner, à enrichir, à poursuivre ? D’une lettre qui ne serait pas « circulaire » ?

Atelier signifie le travail d’un matériau commun par des artisans-artistes réunis en un même lieu. L’atelier Transmission de la lettre appellera chacun-e à contribuer à la réflexion, bien évidemment par la lecture préalable des textes qui seront discutés, mais aussi par son commentaire et/ou par son questionnement, par la proposition d’intervenants, invités de tous horizons, venant se joindre à nous au fur et à mesure de l’avancée de notre travail.

Cet atelier se situe dans le droit fil de l’intention de la Société Psychanalytique de Tours : remettre la lettre, la pensée et l’exercice de la psychanalyse en circulation, sans prétendre la ramener en quelque lieu propre, en quelque propriété, en quelque nom, a fortiori celui de quelque légataire intronisé ou auto institué, ni la rapporter au lieu d’une vérité Une et indivisible.

Notre temps n’est plus seulement celui des écrits de Freud ou des séminaires de Lacan. Pour la première fois en France, l’État a récemment tenté de détourner la lettre psychanalytique en essayant d’interdire l’exercice de la psychanalyse aux profanes – pratique profane pourtant vigoureusement défendue depuis la création de la psychanalyse – et/ou de l’assujettir à des évaluations cognitivo comportementalistes. À l’heure où certains lancent le « ticket psy », destiné à ramener le sujet de l’entreprise dans le « droit chemin » de l’assujettissement et d’une soi-disant normativité, il est temps d’examiner de près cette question de la transmission et du détournement de la lettre psychanalytique.

Ce questionnement ne sera évidemment pas dissocié de ses incidences en termes de pratique clinique.

Parmi d’autres lectures, pour commencer :

  • Edgar Allan Poe, La lettre volée, in Histoires, essais et poèmes, Le livre de poche, La Pochothèque, 2006.
  • Jacques Lacan, Le séminaire sur « La lettre volée », in Écrits, Seuil, 1966.
  • Jacques Lacan, Le séminaire sur « La lettre volée », in Écrits I, texte intégral, nouvelle édition, Points poche, 1999.
  • Jacques Lacan, Ouverture de ce recueil, in Écrits I, texte intégral, nouvelle édition, Points poche, 1999.
  • Jacques Lacan, La direction de la cure et ses principes, in Écrits, éd. du Seuil, 1966.
  • Jacques Derrida, Le Facteur de la vérité, in La carte postale, de Socrate à Freud et au-delà, Aubier-Flammarion, 1980.
  • Jacques Derrida, Spéculer sur Freud, ibid.
  • René Major, Lacan avec Derrida, Champs Flammarion, 2001.

La lecture de La lettre volée d’Edgar Allan Poe, du Séminaire sur « La lettre volée », d’Ouverture de ce recueil de Jacques Lacan, de Le Facteur de la vérité de Jacques Derrida est requise pour la première tenue de l’atelier.


Fabienne LELEUX